vendredi 15 juillet 2016

Camion fou du 14 juillet à Nice

Constitutionnaliser l’état d’urgence : Quel enjeu ?

Après avoir annoncé, lors de son entretien télévision du 14 juillet, la prochaine levée de l’état d’urgence, le président François Hollande se contredisant l’a prolongée le lendemain de trois mois. Certes sur le court terme, il réagissait à un attentat commis à Nice, mais sur le long terme, il avançait un peu plus dans la transformation de l’État. 
Contrairement aux apparences, l’enjeu n’est pas de lutter contre le terrorisme, mais de passer d’un pouvoir issu du Peuple et placé sous son contrôle à un pouvoir discrétionnaire agissant pour le compte et au service des États-Unis.


Un peu de bon sens:
Un Bologne français:

Alors que la canaille médiatico-policière aboie et se vautre dans la fange sécuritaire, les rares voies lucides du moment proposent plusieurs textes sur Nice.
Ce tueur fou est-il le premier "Tueur de masse" français ? 
Possible, c'est une spécialités surtout américaine ce genre de comportement criminel.
Encore que le meurtre en série de flics se développe depuis peu, en réponse aux meurtres de Noirs américains comme à Bâton Rouge. 
Aucun islamiste n'a revendiqué le massacre de Nice dans un premier temps (2 Jours) dont l'auteur était  surtout connu comme ivrogne et mangeur de porc. 
Quel rapport avec un geste pseudo-religieux donc.
Une revendication tardive de E.I a rassuré les dirigeants français qui paraissaient parler dans le vide en accentuant un aspect Islamiste qui semble ici insignifiant.

Le tout-sécuritaire sert ceux qui nous frappent 


Face à la menace terroriste, nous adoptons de mauvaises réponses en frappant militairement au Moyen-Orient, et en mettant en œuvre une politique du tout-sécuritaire qui se révèle inefficace. Les États-nations occidentaux sont aujourd’hui devenus des États de sécurité nationale, dont l’obsession s’étend, au-delà du seul terrorisme, à l’immigration, à l’ultra-gauche anticapitaliste, aux lanceurs d’alerte.

Les attentats que le jihadisme islamique a multipliés au cœur du monde occidental depuis 2001 l’ont fait basculer dans un état d’exception permanent sans que le pire ait pu être conjuré. D’une part, les démocraties ont sacrifié leurs fondements, nonobstant les assurances initiales et les protestations vertueuses de leurs dirigeants. Aux États-Unis, le «Patriot Act» a suspendu les libertés fondamentales. L’internement administratif, le recours à la torture, les enlèvements de suspects à l’étranger, les exécutions extrajudiciaires, la surveillance électronique de la planète ont été mis en œuvre. De bon ou de mauvais gré, les pays européens ont emprunté le pas de leur propre chef, ou sous la pression de Washington, et avec l’assentiment assez général de l’opinion publique. De par le monde, les régimes collaboratifs se sont vus pardonner leur autoritarisme et leur violation des droits de l’Homme pourvu qu’ils acceptent d’assurer la sous-traitance de la répression.

Les États-nations occidentaux sont aujourd’hui devenus des Etats de sécurité nationale, dont l’obsession s’étend, au-delà du seul terrorisme, à l’immigration, à l’ultra-gauche anticapitaliste, aux lanceurs d’alerte. Ils ne répugnent plus à envisager des mesures rappelant leur passé le plus sombre, telles que la déchéance de la nationalité, en France, ou à les mettre en œuvre comme la confiscation des biens des réfugiés, au Danemark. Ils appliquent des politiques publiques criminelles au sens littéral du terme, dès lors qu’elles tuent, à l’instar des bombardements par drones au Moyen-Orient ou de la prohibition de l’immigration à la frontière américano-mexicaine et en mer Méditerranée qui provoque, chaque année, des milliers de décès. La démission démocratique et morale des peuples, drogués au discours sécuritaire depuis les années 1970, les progrès phénoménaux de la technologie garantissent l’institutionnalisation durable de cet état d’exception et de surveillance de masse. Nombre de spécialistes affirment que l’Occident est tombé dans le piège que lui ont tendu Al-Qaïda, puis Daech, et que ses politiques sécuritaires alimentent le jihad, au lieu de le contenir.

Cette politique sécuritaire a échoué

D’autre part, cette politique sécuritaire a échoué. Elle n’a pas évité les attentats, qui n’ont jamais été aussi nombreux depuis 2001. Elle n’a pas tari le vivier des jihadistes. Elle n’a pas endigué les flux de migrants et de réfugiés, faute d’en tuer assez et de pouvoir contraindre les États partenaires du Moyen-Orient et d’Afrique à retenir les candidats au départ. Tout indique que l’impuissance du régime d’exception permanente et de surveillance totale à conjurer les dangers qu’il prétend éliminer ne se démentira pas.

Pourtant, «livides de conviction», à l’image du héros du romancier allemand Uwe Tellkamp, dans La Tour, les capitales occidentales persistent et signent. Il serait temps de suspendre cette fuite en avant. De réviser la politique étrangère qui nous a conduits là où nous en sommes, et dont les choix stratégiques tantôt ont enclenché la machine infernale, tantôt empêchent de la désamorcer. De renoncer aux politiques néolibérales qui ont déchiré le tissu social, et au discours culturaliste qui a communautarisé le pays, sous prétexte d’en exalter l’identité nationale. Et, dans l’immédiat, d’en revenir à une police de renseignement, de proximité et d’infiltration, dès lors que la très dispendieuse surveillance numérique s’avère vaine.

Exigeons de la droite un peu de décence

Sur ce plan, exigeons de la droite un peu de décence. Elle crie haut et fort à l’incompétence de François Hollande. Mais le bon peuple doit savoir que la réforme du renseignement voulue par Nicolas Sarkozy a durablement désorganisé celui-ci, comme l’ont vite illustré l’affaire Merah, et confirmé les attentats de 2015. Et que, sous son autorité, le ministère de l’Intérieur – au contraire de celui de la Défense nationale – a systématiquement privilégié les dépenses de personnel au détriment de son équipement. En 2012, le nouveau gouvernement découvrit ainsi qu’il n’y avait plus de crédits pour la maintenance des systèmes de communication et d’informatique, laquelle était devenue tributaire de recettes budgétaires exceptionnelles, et pour tout dire inexistantes.

Donc, messieurs Les Républicains, silence dans les rangs !

Dans la douleur, nous devons être précis. Pas plus que les attentats anarchistes de la fin du XIXe siècle, les actes terroristes d’aujourd’hui ne constituent pas une menace stratégique pour notre pays. La réponse militaire, au Moyen-Orient, n’est pas la bonne. Le tout sécuritaire sert ceux qui nous frappent. Les mesures d’urgence relèvent du seul travail policier. Le devoir de chacun est de garder raison, et sang-froid.


Jean-François Bayart politologue, professeur au Graduate Institute de Genève


 Après Nice

Neuf mois d’état d’urgence. Neuf mois de perquisitions, d’interdictions de manifester, de restrictions de libertés. 5 000 policier.e.s et gendarmes recruté.e.s, 2 500 postes supplémentaires pour la justice et sa sinistre administration pénitentiaire. 736 millions d’euros dépensés [1], au point où l’Union Européenne accepte d’assouplir ses règles concernant le déficit budgétaire de la France pour la soutenir dans sa lutte contre le terrorisme [2].


Nice. 1 257 caméras de vidéosurveillance. 365 policier.e.s municipaux et municipales (à titre de comparaison, Toulouse compte 134 caméras et 340 policier.e.s) équipé.e.s d’un système de géolocalisation par radio, de gyropodes, d’armes de quatrième catégorie, de Flash-Ball, d’armes blanches, de Tasers [3]. La « ville la plus surveillée de France » [4].
14 juillet 2016. Un homme seul, armé d’un pistolet et d’un camion de 19 tonnes, ôte la vie à 84 personnes et en blesse 200 autres sur la Promenade des Anglais. Mohamed Lahouaiej Bouhlel était inconnu des services de renseignement.
Dans la foulée, François Hollande annonçait la prolongation de son État d’urgence, dont l’inutilité venait d’être démontrée.

La conclusion s’impose d’elle-même. Nous n’échangeons pas nos libertés contre plus de sécurité. Nous les échangeons contre du vent.
Après huit attentats en moins de deux ans [5], cela devrait tenir de lieu commun. En attendant, nos gouvernant.e.s iront jusqu’au bout de leur logique sécuritaire, car la guerre est un business, qu’elle se tienne à l’intérieur ou à l’extérieur de nos frontières.

Au fur et à mesure que les informations nous parviennent, les liens entre le meurtrier et l’État Islamique semblent de plus en plus vagues. Médias et gouvernant.e.s ont bien du mal à cacher leur déception, mais que leur importent les causes du mal ! pourvu qu’iles en tirent les bénéfices.

La veille de la tuerie, Christian Estrosi, ancien maire de Nice et actuel président de la région PACA, écrivait à François Hollande pour dénoncer la « frilosité du gouvernement » [6]. Il regrette notamment que l’État, dans sa ville, durant l’Euro 2016, n’ait « pas souhaité répondre à (sa) proposition relative à l’expérimentation de la reconnaissance faciale. » Il conclut : « Nous devons supprimer les freins dogmatiques et idéologiques faisant obstacle à l’utilisation des nouveaux moyens technologiques. »

Pendant ce temps là au JT de France 2, un expert autoproclamé (« spécialiste du monde arabe », encore un) expliquait au lendemain du drame qu’il était urgent de passer d’un « système fait pour rassurer les gens psychologiquement (opération sentinelle, vigipirate) à un système de sécurisation des accès aux lieux publics : contrôler les accès aux gares, aux écoles, aux plages, aux boîtes, bref, à tous les lieux publics. »

Jusqu’où iront-iles ? Que trouveront-iles encore à nous enlever lorsque l’on aura tout perdu ? Jusqu’à quand pourront-iles déclarer, sans mourir étouffé.e.s par la honte, que ces attentats représentent une « attaque contre le monde libre » ? [7]

L’attaque du 14 juillet nous promet un avenir sombre. Pris.e.s entre la folie meurtrière des un.e.s et le terrorisme des autres – oui, je parle bien du terrorisme d’État, celui que les manifestant.e.s contre la Loi Travail expérimentent depuis quatre mois, celui que les damné.e.s de l’intérieur subissent depuis leur naissance dans les quartiers populaires – coincé.e.s entre ces deux terrorismes-là, que nous reste-t-il à faire, sinon résister, encore et toujours ?

Notes.

[1] « Postes supplémentaires de policiers et de gendarmes : le détails des annonces de Hollande » : http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/article/2015/11/16/francois-hollande-annonce-5-000-emplois-supplementaires-de-policiers-et-de-gendarmes_4811254_4809495.html#LHm68RvqyG7vgrty.99
[2] « Après les attentats, Bruxelles accepte de laisser filer le déficit de la France », http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/11/17/20002-20151117ARTFIG00116-budget-valls-admet-que-la-france-ne-tiendra-pas-ses-engagements.php
[3] A Nice, Christian Estrosi chouchoutte ses policies municipaux : http://www.lepoint.fr/societe/a-nice-christian-estrosi-chouchoute-ses-policiers-municipaux-31-05-2010-461289_23.php
[4] « Nice, la ville la plus surveillée de France, pourtant vulnérable  », http://www.ouest-france.fr/societe/faits-divers/attentat-nice/nice-la-ville-la-plus-surveillee-de-france-pourtant-vulnerable-4369155
[5] « Les principaux attentats en France depuis 2012 », http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/07/15/les-principaux-attentats-en-france-depuis-2012_4970357_3224.html#p2EhZvqaLzDd0McD.99
[6] « Estrosi avait écrit à Hollande la veille du drame », http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/07/15/01016-20160715ARTFIG00047-estrosi-avait-ecrit-a-hollande-la-veille-du-drame.php
[7] « Nice : pour les leaders mondiaux, une « attaque contre le monde libre » http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2016/07/15/attaque-a-nice-obama-condamne-une-horrible-attaque-contre-le-plus-vieil-allie-des-americains_4969630_3224.html


Francis Cousin - Attentat de Nice


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