vendredi 14 octobre 2011

Sur la vie et sur la Mort de Philippe Labbey


 

Philippe Labbey est mort fin août 2011, il avait 48 ans.

Oui, Philippe Labbey portait «son suicide à la boutonnière» et c'est même pour cela que ce gamin maigrelet arrivé tout droit de sa Normandie avait attiré notre attention. Il allait avoir 16 ans et moi 20, nouveau venu dans le quartier il se lia rapidement avec un groupe d’homosexuels que nous connaissions du collège  Pailleron-poubelle du secteur. Viré du lycée en seconde il commençait à traîner entre banlieue et Paris, libertaire de cœur et poète dans l’âme il cultivait  ivresses et dérives. 
Premier touché par la grande vague Punk de 1977, à une époque ou nous fricotions déjà avec «l'Autonomie parisienne», son vieux Perfecto pourrit était un vrai collector hérité de son grand frère, si élimé et si déchiré qu'il était la tenue Punk idéal, un must. Le lascar avait un look gavroche kepun.

Malgré son jeune age il n'était plus un Bisounours depuis longtemps, une vie familiale chaotique et la zermi façon «pays d'Auge» l'avait marqué au fer rouge, nous étions faits pour nous entendre et passer rapidement à l'action. 

Lecteur de Rimbaud, Genet, Cioran, des textes du FHAR mais aussi Debord, Marx et Bakounine. Philippe écoutait le My Way de Syd Vicious en boucle dans l'appartement familiale ou sa grande sœur, une quasi-sainte, essayait de tenir sa nombreuse famille, c'est sur ses épaules que reposaient le présent et l'avenir de ses jeunes frères et sœurs.  L'époque était résolument au No Futur ce qui implique un certain nombre de galères, dans le désordre :  La dope (la Fac de Vincennes était proche), quelques larcins du coté des pharmacies (une spécialité d'époque), des balades en voitures empruntées, donc police vos papiers qui s'ajouta à une surveillance policière «politique» déjà en route...

Une série de modestes braquages et quelques longs mois de pension à Fleury-Mérogis ou il fêtera ses 20 ans ( comme beaucoup d'autres il donnera son sang, seul moyen en prison de boire un verre de vin... Le sang collecté dans les prisons française était à cette époque celui d'une population carcérale contaminée pour un tiers par un cocktail HIV/VHC-B à l'origine de l'affaire du Sang Contaminé ) clôturent ces débuts agités, après sa sortie Philippe fait une formation de comptabilité, trouve un job qu'il gardera toute sa vie et s’installe à Paris du coté de la rue Blanche pas très loin de sa sœur Régine Labbey  (Amie de la liberté, Activiste d'ACT-UP de la première heure et de plus portée volontaire pour exercer son métier d'infirmière auprès des malades HIV, un accompagnement à la mort à l'époque et celui de ses proches. Elle était lesbienne militante de la cause des femmes, mère d'une petite fille et l'une des première femmes adhérant à ACT-UP avec Isabelle. Aînée de 3 ans de Philippe elle entretenait des relations quasi-fusionnelles avec son frère, leur liens étaient complexes et son décès acheva de laminer un Philippe encore non-remis du décès de Cleews.  DCD par suicide revendiqué, en 1998 à Paris.  Régine avait  lu "Suicide mode d'emploi" depuis 1982 elle me l'avait taxé et son métier lui avait appris le reste...). C'est à cette époque (1987) que nous reprenons nos relations ce qui nous conduira entre autre activités à la création d'Act-Up Paris en 1989. ( sur les sept de la première réunion informelle, trois étaient des "nôtres" : Pierre, Cleews et Philippe... Les quatre autres étaient menés par le louche Didier Lestrade,  journaliste degôche qui révélera sa vraie nature en contestant l'élection de Cleews à la présidence d'Act-Up Paris,  inondant alors la presse Gay d'insultes et de mensonges, nous qualifiant de Robespierristes, Ténors enragés, Ultra-révolutionnaires, il visait particulièrement Cleews et Philippe. Ce merdeux ne digérait pas d'avoir perdu son confortable siège de président soporifique mais l'Affaire du sang contaminé vérifiai nos analyses et la queue basse il du se résoudre à passer la main. )

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De la révolte immédiate a l'intelligence critique de son époque.
Du Debordisme a la défense catégorielle des homosexuels.

On s'use vite lorsque l'on engage le combat dans cette insupportable époque, Philippe était de ceux qui ont osés, qui osent se soulever pour le meilleur et pour le pire. Comme le répètent inlassablement le «communiqué  officiel» de la juste-ligne-gay, lui-même repris en coupé-collé sans un mot de plus: Il était homosexuel militant et ne sera connu que pour cela. Ainsi en a décidé le Spectacle et Philippe l'a finalement bien mérité. Il ne voulait plus rien d'autre depuis longtemps, bien avant la mort de Cleews Vellay (1994) son ami de cœur et la rencontre de sa vie.
C'est en décembre 1993 avec «La capote sur l'Obélisque» que tout se termine pour lui, la société du spectacle l'a rattrapé, figé comme un insecte dans l'ambre. C'est donc seulement pour cela qu'il restera provisoirement dans les mémoires médiatiques. On y ajoute rapidement son rôle conjoint dans la création du Centre Gai et Lesbien de Paris (relooké depuis LGBT) qu'il présidera longtemps. Ces deux événements sont liés aux Financements dont il s'est fait le prisonnier volontaire, pouvait-il encore garder une âme, sa liberté, sa conscience ?
La poignée de main d'un Pierre Berger est peut-être "gluante", encore faut-il accepter de la serrer, Cleews lui refusait celle des ministres devant les médiats, Bernard Kouchner s'en souvient encore... 
C'est en effet une "poignée de mains" de trop (celle d'un ancien Premier Ministre degoooche en 1991) qui marque une première rupture entre Philippe et moi. La réaction ultra-violente de Cleews à cette insupportable trahison manifestait son émancipation définitive de son compagnon et mentor, et son ralliement à une "Ligne Dure" que j'étais encore le seul à défendre (voir lettres et télégrammes). 
Sauvé de l'impasse Khmer-Gay par le film testament de Guy Debord, il avait finaudement préparé ce reportage avec Cleews et bien choisi le Borsalino (oublié ou taxé dans un bar...), il espérait que Guy et Alice Debord le remarquerait...
Bien joué man ! 
Philippe Labbey
Sans illusions sur Act-Up Paris après la mort de Cleews il rédige en 1996 le définitif Fin D'Act-Up Paris qui est son meilleur texte avec Demandez le Programme début 1991 (1ere remise en cause de l'équipe D.Lestrade avant la montée vers la présidence de Cleews Vellay) et  Mauvais Sang en 1989, et qui recadre notre action dans le temps en abandonnant enfin la coquille vide de l'organisation aux charognards étatistes et, à leurs suiveurs fonctionnarisés dans l'esclavage salarié, au juste prix de leur trahison permanente. 
«Je peux bien crever maintenant que Debord m'a immortalisé» me dit-il en 1995  après avoir visionné le film. Sur ce point il a tenue parole, jamais plus il n'a quitté le train-train de la minuscule  Cause Gay parisienne, sa messe était dite
Qu'elles sont loin les cavalcades nocturnes bombes de peintures et gyrophares de keufs... 
Nous étions définitivement brouillés depuis 1996/97.
Régine Labbey à 20 ans

Cleews Vellay in Debord film



Argent et homosexualité, un thème à explorer...

Scalpel à 33 ans







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